Patrimoine documentaire soumis par l’Italie et inscrit au « Registre Mémoire du monde » en 2005.

par Abdellatif ABOUHAZIM

Le Couvent San Francesco de Cesena. Façade du bâtiment de la Bibibliothèque Malatestiana. Photo. Commune de Cesena.

Sources :

  1. La Bibliothèque de Malatesta Novello. Site de l’Unesco.
  2. Site de la Commune de Cesena Italie. Plan de situation.
  3. Giordano CONTI, « Biblioteca Malatestiana », éd. Fabbri Editori, Milano, Octobre 2005.
  4. Le Monde 06 avril 1991. CESENA/ITALIE La Biblioteca Malatestiana.
  5. Wikipedia.org/wiki/Bibliothèque_Malatestiana

Salle de lecture Bibliothèque Malatestiana. Photo © A. Abouhazim

1. L’institution

Les deux clés de la bibliothèque. Photos © A. Abouhazim

La bibliothèque antique de Malatesta, en italien Bibliotteca antica Malatestiana, est la dernière bibliothèque antique avant l’invention de l’imprimerie en 1454. C’est le seul exemple de bibliothèque monastique et humaniste qui nous soit parvenue parfaitement conservée dans le bâtiment, le mobilier et le matériel de la bibliothèque du XVe siècle.

Elle renferme « 343 codex [manuscrits] encore aujourd’hui à leur place, là où ils se trouvaient il y a cinq siècles, liés à leur chaînette originale du Quattrocento (XVe siècle), dans les mêmes bancs de lecture, constituant ainsi une collection libraire et dot idéale d’une bibliothèque d’un prince [Domenico Malatesta Novello] de la première moitié de la Renaissance » [1].

Inscrite au « Registre Mémoire du monde » de l’Unesco en 2005, elle constitue un complexe monumental et bibliographique d’une importance exceptionnelle.


2. Situation géographique

La bibliothèque antique de Malatesta est située à Cesena (lire «Chézéna», parfois appelée en français Césène) à 90km au sud-est de Bologne, 90km à l’est de Florence. Cesena se trouve au Nord de l’Italie dans la province de Forlì-Cesena, région Emilie-Romagne, à 15km de la mer adriatique, séparée de Florence par la chaîne de montagnes « Les Apennins » (ou l’Apennin ; en italien Appennino) qui traverse l’Italie du Nord au Sud.
La ville de Cesena a donné deux Papes à l’Église catholique : Pie VI (Giovanni Angelico Braschi, 1717-1775) et Pie VII (Gregorio Barnaba Chiaramonti, 1742-1823).


3. Construction et architecture

A Cesena, le couvent des franciscains a été construit entre 1233 et1250 et avait déjà acquis sa forme actuelle à la fin du XIIIe siècle. Le bâtiment était le siège d’un important centre d’études de philosophie et de théologie et un lieu de conservation et de stockage de manuscrits.

Bibliothèque du couvent San Marco à Florence

A Florence, dès 1436, Cosme de Médicis (dit l’Ancien, 1389-1464) confia à Michelozzo Michelozzi l’édification de son propre palais, la restructuration du vieux couvent dominicain et l’aménagement de la bibliothèque du couvent San Marco  destinée à abriter la colossale collection des manuscrits spirituels et profanes de l’humaniste Niccolo Niccoli offerte aux Médicis.

Après la chute de Constantinople et de l’Empire romain d’Orient, Florence et sa bibliothèque de San Marco étaient un refuge pour les humanistes et les intellectuels qui pouvaient librement consulter des documents en hébreux, en latin et en grec. Elle est devenue, de cette façon, la première bibliothèque publique du monde occidental.


Salle de lecture Bibliothèque Malatestiana.
« Une copie » de la bibliothèque de San Marco. Photo © A. Abouhazim

Inspiré par le style architectural de Michelozzo (1444), utilisé lors de la restructuration du couvent de San Marco à Florence, Domenico Malatesta Novello (Seigneur de Cesena, 1418-1465) confia à Matteo Nuti (1405-1470), son frère Giovanni et Cristoforo Foschi, de 1448 à 1454, l’agrandissement de la bibliothèque franciscaine (Biblioteca Malatestiana).

Ce travail s’est avéré être le plus significatif de Matteo Nuti, considéré comme un des joyaux de l’art et de l’architecture de la Renaissance.


Au premier étage, la bibliothèque, de même style architectural que la bibliothèque de San Marco, est constituée d’une grande salle de lecture à trois nefs, composée de deux rangées de pupitres capables d’accueillir 58 personnes. 29 par nef. Au centre un large couloir permettant la circulation des visiteurs.


Sous pupitres, les ouvrages sont reliés par une chaîne à une barre métallique. En façade les armoiries des Malatesta. Photo © A. Abouhazim

« Deux éléments jouent un rôle particulièrement important : la lumière et la couleur.

La lumière est diffusée par de petites fenêtres latérales, une en face de chaque pupitre, tandis qu’au fond de la salle un grand hublot assure la luminosité uniforme de l’ensemble.

Les trois couleurs dominantes sont le le blanc qui habille les colonnes disposées en double rangée dans la partie centrale de la salle (aux chapiteaux mi-ioniques mi-corinthiens) et séparant les trois nefs ; le roux de la terre cuite au sol et des pilastres latéraux ; enfin le vert de l’enduit des armoiries sur les façades des pupitres. Ces trois couleurs sont celles des armoiries des Malatesta. » [3].

Les ouvrages sont rangés sous les tables des pupitres et sont tous reliés par une chaîne à une barre métallique.


La porte d’entrée avec l’inscription de la date de fin de l’ouvrage en 1454.
A droite, les pilastres sont les demi-colonnes de couleur rousse. Photos © A. Abouhazim


4. Le fonds documentaire

A l’instar des Médicis à Florence, le patrimoine de la bibliothèque est étroitement lié à la figure et à la personnalité de son fondateur et mécène, le seigneur de la ville, Domenico Malatesta Novello qui crée, au milieu du XVe siècle un prestigieux atelier d’écriture produisant en vingt ans, plus de 120 manuscrits décorés de belles enluminures. Les dimensions de certains manuscrits sont d’environ : 60cmx45cmx10cm (Lxlxh).

Malatesta Novello a recueilli, outre les grandes œuvres de la culture médiévale, les fruits de la tradition classique latine, grecque, hébraïque et arabe afin de réaliser le projet d’une culture universelle selon les canons humanistes. Le fonds de la bibliothèque a été légué à la municipalité de la ville, à condition de les laisser accessibles au grand public.

Elle possède également une imposante bibliothèque créée en 1611 et riche de 1 500 livres incunables [livres imprimés en Europe avant le 1er janvier 1501] et de plus de 229 manuscrits.


« L’éléphant des Indes ne craint pas les moustiques » : curieuse devise que celle du prince Malatesta Novello. Elle explique que l’éléphant soit devenu l’emblème préféré de sa famille, et la première surprise de celui qui découvre cette bibliothèque qu’il a léguée à ses concitoyens, et qui a survécu, intacte, jusqu’à nous. [4]

» Sans doute cet endroit magique a-t-il été investi de la force prêtée à l’éléphant, pour ainsi résister au long des siècles à ces  » moustiques  » d’un genre particulier que furent la tutelle des Etats de l’Eglise, lesquels héritèrent du bien à la mort de Malatesta et licencièrent le personnel de l’écritoire et de la reliure, ou bien plus tard, les armées de Napoléon qui réquisitionnèrent les bâtiments et mirent les livres et le mobilier au garde-meuble ! » [4]

Une inscription sur le pavement de la Bibliothèque Malatestiana, Césène.
MAL.NOV.PAN.FIL.MAL.NEP.DE DIT [Malatesta Novellus Pandulphi filius Malatestae nepos dedit] [(Domenico) Malatesta Novello fils de Pandolfo (III) neveu de (Carlo) Malatesta a donné].

5. La Piana, la bibliothèque personnelle du pape Pie VII

Le Pape Pie VII.

La Piana, la bibliothèque personnelle du pape Cesena Pie VII Barnaba Chiaramonti, grand amateur d’antiquités et de beaux-arts (on l’appelait « l’archéologue du pape »), est conservée dans la salle en face de la Malatestiana.

Riche de plus de cinq mille volumes imprimés et d’une centaine de manuscrits, il comprend, parmi les codex les plus précieux, un évangéliaire daté de 1104, un manuscrit juridique du XIIIe siècle contenant le Decretum Gratiani, un missel romain datant du début du XVe siècle avec un splendide Crucifixion miniata; en 1941, il a été vendu par les héritiers Chiaramonti à l’État italien.

La cérémonie religieuse du sacre de Napoléon Ier fut officiée par le pape Pie VII, le dimanche 2 décembre 1804, à Notre-Dame de Paris. Elle a suivi la proclamation de Napoléon Bonaparte comme empereur des Français sous le titre de Napoléon Ier du 18 mai 1804.


Photos © A. Abouhazim